Principes

De quelle manière attendre l’Imâm al-Mahdî (‘aj) ? Quel est notre devoir?

La notion même d’attente se trouve confrontée à de sérieux défis, dont le plus important est certainement le fait que selon ce que disent les hadiths, l’apparition (zohûr / ظهور) de l’Imâm (‘aj) (1)se fera au moment où ce monde sera rempli d’injustice. Est-ce qu’un effort, quel qu’il soit, en vue d’une amélioration ne risque-t-il pas de retarder son apparition ? S’il faut rester dans l’attente de son apparition, doit-on alors cesser de prendre des mesures d’ajustement ? Or, ceci signifierait qu’il faut renier les devoirs communs dont la religion a chargé l’être humain (comme l’encouragement au bien et l’interdiction du mal) ! Et s’il est au contraire prévu que nous accomplissions ces devoirs, alors de quelle manière devrions-nous attendre ? Posons la question autrement : s’il est fixé que la voie de l’être humain, avec ces amendements qui sont les nôtres, soit une voie de perfectionnement, cette voie atteindra donc son but de toute façon, alors quel besoin avons-nous de l’Imâm al-Mahdî (‘aj) ?

La révolution du Mahdî, que Dieu hâte sa noble délivrance, représente une immense transformation dans l’histoire de l’humanité. Au sujet des transformations historiques, il existe deux manières de voir les choses, et en fonction de chacune, la notion d’attente prend une signification particulière. L’un des points de vue consiste à supposer que les transformations historiques ne comportent pas de règles, ou que dans le cas où elles en comporteraient, la volonté humaine n’y joue aucun rôle, sachant que c’est la fatalité qui régit le cours de l’histoire. Celui qui croit que les transformations historiques ne comportent pas de règles doit croire que ces transformations sont inconnaissables, aussi, il ne peut pas non plus analyser le soulèvement du Mahdî (‘aj). Dans ce cas, l’attente consiste à rester à attendre un événement étrange et inconnu, et à ne pas agir, car c’est au contraire une main surgissant de l’inconnu qui agira.

C’est ici que s’ouvre le chapitre des interprétations erronées au sujet des hadiths traitant de l’apparition. Certains avancent même : « Puisque le monde doit être empli d’injustice pour que le Mahdî (as) vienne, alors nous allons aider à répandre l’oppression. » Celui qui croit que les transformations comportent des lois, mais que la volonté humaine n’y joue aucun rôle, n’a d’autre choix que de déclarer : « On ne peut rien faire. La seule chose que l’on puisse faire, c’est d’avancer dans cette voie inévitable. » De même, selon cette logique, les efforts en vue d’une amélioration sont rejetés.

Selon les deux théories de cette vision des choses, le soulèvement du Mahdî (‘aj) comporte une nature purement explosive et résulte uniquement de l’expansion des injustices et des discriminations. Lorsque le bien atteindra le niveau zéro, lorsque le droit et la vérité n’auront plus aucun partisan, et lorsque ce qui est faux et vain occupera l’ensemble du terrain, cette explosion se produira et la main de l’invisible (et non les partisans de la vérité, parce qu’il n’y en aura plus !) sortira de sa manche afin de sauver la vérité.

Le second point de vue prétend que les transformations historiques comportent des lois et que la volonté humaine y joue son rôle. Ce point de vue contient également deux tableaux. Le premier est existentialiste. Selon l’existentialiste, la volonté de l’être humain est très importante. Cependant, il ne croit pas en un objectif qui outrepasse la volonté de l’être humain, et croit que c’est à lui-même de se fixer son objectif. En réalité, d’après les existentialistes, le fait d’accepter tout objectif allant au-delà de l’être humain, et que ce dernier se mette en marche vers un tel objectif nécessitent une posture où on se retrouve étranger à soi-même. Aussi, aucun objectif ne doit préexister à l’être humain, mais au contraire, chacun se choisit pour lui-même l’objectif qu’il désire et se met en route pour l’atteindre. Si ce tableau ne comporte pas davantage de difficultés, il n’en comporte toutefois pas moins. Dans ce tableau, l’attente a pour sens une objection perpétuelle à toute condition, elle nécessite l’authenticité de la révolution. C’est-à-dire que dans le cas où aucun objectif particulier et déterminé n’est accepté, l’être humain devra alors s’opposer à toute situation, et n’accepter aucun objectif retenu par un groupe, car autrement, l’attente prendrait fin.

Dans le second tableau, il est nécessaire de comprendre que : « Il est vrai que la volonté humaine joue un rôle important dans les transformations historiques, mais si l’on considère l’authenticité de l’innéité primordiale et l’orientation réelle du for intérieur de l’être humain vers un objectif véritable, cette attente prend une signification particulière. » Il s’agit premièrement d’accepter que la vérité soit différenciée de l’erreur, et deuxièmement que le devoir principal de celui qui attend soit de consolider continuellement le front de la vérité et de s’efforcer de rendre plus visible encore la frontière entre la vérité et l’erreur afin de concrétiser cet immense combat mondial. En ce sens, l’attente, sur le plan individuel ou collectif, n’est non seulement pas un état de négation, mais au contraire, c’est un acte d’affirmation qui recouvre l’ensemble de nos actes et qui pour cette raison compte pour le meilleur d’entre eux. Sur le plan individuel, une personne peut réellement se trouver dans l’attente du gouvernement de la justice et nourrir en elle l’espoir d’une justice universelle tout en ayant pris elle-même l’habitude de la justice tout en y accordant son tempérament.

Un individu peut être en attente de la justice universelle et aimer la justice. Celui qui aime la justice devra lui-même se situer au premier rang des justes. C’est pour cela qu’il a été dit : « Ceux qui se trouvent en attente du conciliateur doivent être vertueux eux-mêmes. » Sur le plan collectif également, toute démarche de conciliation destinée à favoriser la victoire du droit correspond au devoir de ceux qui attendent. Ainsi, non seulement les amendements partiels et progressifs ne sont pas condamnables, mais ce sont eux qui à leur tour font s’accélérer le mouvement de l’histoire au profit des gens de la vérité. A l’inverse, les corruptions, les perversités, la débauche et les impiétés viennent renforcer la puissance adverse et ralentissent le mouvement de l’histoire au profit des gens de la vérité. Par conséquent, selon ce point de vue, ce qui doit advenir tient du mûrissement du fruit sur la branche de l’arbre, et non de l’explosion d’une cocotte-minute. Mieux l’arbre est arrosé et plus on en prend soin, plus on combat rapidement ce qui peut lui nuire, meilleur et plus sain sera le fruit et à l’occasion, plus tôt il sera mûr. En ce sens, notre devoir général vis-à-vis de la question de la mondialisation est clair.

Selon l’approche islamique, la mondialisation correspond à la réalisation du gouvernement de la justice universelle dont les prémices sont ce combat ultime entre la vérité et l’erreur. En vue de cette bataille, il faut consolider le front de la vérité. Bien entendu, il est nécessaire de considérer que la consolidation de ce front consiste davantage en une consolidation culturelle et spirituelle qu’en un renforcement militaire. Car le principe identitaire de ce front, c’est la spiritualité. Ce qui veut dire qu’il faut faire en sorte que la vérité et la justice se manifestent de manière plus claire et plus affûtée, et que la capacité de compréhension des gens vis-à-vis de ces deux notions s’approfondisse, de sorte que le gens puissent supporter le gouvernement de la justice ! Il est bien que nous considérions que son Excellence le Mahdî (‘aj) n’est pas meilleur que l’Imâm ‘Alî (as), aussi, la spécificité importante du gouvernement de la justice du Mahdî (‘aj) ne provient pas de ce qu’il entreprend, mais de la manière dont il est accueilli dans ce qu’il entreprend. C’est-à-dire qu’à l’époque du Mahdî (‘aj), les gens doivent avoir atteint un niveau de maturité intellectuelle leur permettant de distinguer la vérité de l’erreur et de ne pas se soumettre à des ennemis s’efforçant de couvrir du vêtement de l’erreur la face de la vérité, de manière à en détourner les autres et à faire pénétrer en eux, à sa place, cette erreur mélangée à la vérité. Ceux qui ne disposent pas d’une compréhension correcte et rationnelle de la justice se sentent sous pression y compris sous le gouvernement de ‘Alî (as).

Selon l’Emir des croyants (as) : « Celui qui trouve difficile d’agir avec justice trouvera encore plus difficile de se confronter à l’injustice » (Nahj al-Balâghakhotba n° 15). Ceci nous montre comment comprendre le hadith : « L’apparition se produira lorsque la terre aura été emplie d’injustice. » En effet, qu’elle soit emplie d’injustice compte parmi les signes de l’apparition, et non parmi les causes. En vérité, les visions attestant qu’il faut aider à la diffusion de l’injustice résultent de l’idée que la diffusion de l’injustice est la cause de l’apparition, alors que la cause de l’apparition, c’est la réalisation de ses prémisses (comme la désignation du front entre la vérité et l’erreur et la consolidation du front de la vérité). Au sujet de l’apparition, de nombreuses circonstances ont été évoquées comme la venue du Dajjâl(2). De même que cela n’a pas de sens, pour hâter l’apparition, de chercher à trouver quelqu’un s’appelant Dajjâl et de le soutenir pour qu’il puisse accomplir des prémisses particulières, il est tout autant insensé de vouloir augmenter l’injustice pour la même raison.

Ce hadith s’appuie sur l’oppression et évoque le groupe des oppresseurs, ce qui nécessite l’existence de celui des opprimés. Ainsi, il nous fait comprendre que le soulèvement du Mahdî (‘aj) est destiné à protéger les opprimés qui méritent cette protection. Il est évident que s’il avait été dit dans le hadith que la terre sera comblée par la foi, la paix et le monothéisme, après avoir été affectée par la mécréance, l’associationnisme et la corruption, cela ne nécessiterait pas l’existence d’un groupe méritant d’être protégé. Dans ce cas-ci on pourrait inférer que le soulèvement du Mahdî attendu (‘aj) a pour but de sauver la vérité perdue et rendue au point zéro, et non de sauver le groupe des gens de la vérité, même s’il ne s’agit que d’une minorité…

Il est possible que le fait que la terre soit emplie ait pour but le besoin de compréhension des êtres humains, et non le besoin d’actions qui échappent à l’oppression. C’est-à-dire qu’il est possible qu’il soit nécessaire que les gens parviennent à une maturité leur permettant de comprendre que le monde est empli d’oppression, qu’il ne faut plus le supporter, pour qu’ainsi ils deviennent ceux qui sont dans l’attente de la justice. Afin que cette question soit plus claire, nous pouvons jeter un œil à l’histoire de l’humanité. Par exemple, les gens à l’époque de Pharaon subissaient une grande oppression, mais on peut dire qu’ils ne protestaient pas sérieusement et il semble qu’ils étaient même satisfaits de la situation.

A l’instar de ce hadith, il en existe d’autres, basés sur le fait que l’apparition ne se réalisera pas à moins que le cruel et le prospère soient allés au bout de leur action. Ici, il est question que les deux groupes parviennent au terme de leur action, et non que seuls les méchants parviennent au degré extrême de la cruauté. De la même façon, dans les hadiths musulmans, on parle d’une élite qui, dès l’apparition de l’Imâm (‘aj), rejoindra son Excellence. Il est évident que parallèlement à la propagation de l’oppression et de la corruption, existeront les conditions extrêmement favorables au développement d’un tel groupe. Ceci permet de comprendre que non seulement le droit et la vérité n’atteignent pas le point zéro, mais également que, en supposant que les gens de la vérité ne soient pas importants parce que faibles en nombre, ils sont cependant les plus valeureux des gens de foi au point de vue de leur qualité, dignes du rang des compagnons de l’Imâm al-Hosayn (as).

Ceci s’ajoute au fait qu’au regard des hadiths musulmans, dans les prémisses du soulèvement et de l’apparition de l’Imâm (‘aj), une suite d’autres soulèvements initiés par les gens de la vérité prendra forme. Il est établi que ces soulèvements surviendront sans préalable et démarreront à partir de rien. Dans certains hadiths, il est question d’un état appartenant aux gens de la vérité, qui perdure jusqu’au soulèvement du Mahdî (‘aj).

Quoi qu’il en soit, l’espoir en la réalisation de la promesse d’une universalité humaine, dans la langue des hadiths musulmans, s’appelle « l’attente du retour » et compte pour une adoration – et même, la meilleure des adorations. Le principe de l’attente du retour est déduit d’un autre principe général, islamique et coranique, et ce principe c’est « le refus de désespérer de l’esprit de Dieu ». Les gens ayant foi en la grâce divine n’abandonnent jamais, et en aucune circonstance, leur espoir. Ce qui prévaut, c’est l’attente du retour et l’absence de désespoir en l’esprit de Dieu quant à la grâce universelle et humaine, et non individuelle ou partisane. En sus, celles-ci se trouvent liées aux promesses spécifiques et déterminées et elles comportent un caractère définitif.

Notes:

1-Pour ‘ajjala Allâhû ta‛âlâ farajahu (Que Dieu hâte sa (noble) délivrance).

2-L’Antéchrist, le faux Messie.

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