
Le marin
Rien de plus que deux larmes, un soupir de douleur, un regard vers la mer, une nostalgie des navires, un désir pour le soleil né du ventre de l’aube, pour deux rames qui écrivent une belle histoire de saisons puis le départ !
Le printemps des yeux, les fissures des mains, les lignes de fatigue écrites sur le front, des traits résistants malgré la mort bouillonnant de vie, jouant sur les cordes de la fatigue la mélodie de la survie.
Le marin est parti…
Lors de l’adieu, j’ai porté ma tristesse, ma colère, et j’ai marché derrière ses funérailles. Je n’ai pas récité de versets de condoléances ni versé de larmes de perte, mais j’ai libéré l’orage qui grondait dans ma poitrine. J’ai déclaré mon innocence dans cette forêt où les pauvres meurent pour que les tyrans vivent, où les rêves des gens simples sont piétinés pour élever les tours des assassins, des criminels de guerre, des courtiers du sang et de l’argent et des marchands de paroles.
Le marin est parti…
En silence, plus éloquent que la parole, avec un écho dépassant les limites, une colère démasquant tous les prétendants à la justice et à l’humanité, révélant les masques des hypocrites se parant de civilisation et se cachant derrière la religion.
Le marin est parti…
Laissant derrière lui tout le tumulte, cherchant l’éternel silence et la sérénité, naviguant avec son vaisseau tendre vers des contrées non polluées par l’hypocrisie, non ensemencées de haine, non cernées par la peur…
Le marin est parti…
Il ne reste dans le stylo que des gouttelettes de larmes et de sang que j’ai dédiées au départ d’un autre à la fin des saisons et sur les rives de l’attente.
Dédié à feu cher Hajj Abou Ali Sami Karaki.
Cheikh Mohamad Kanso
20/01/2024