Les plus belles patries.

Aujourd’hui, je tourne une nouvelle page des pages de l’absence, treize ans d’état d’orphelin, de passion, de tristesse et de nostalgie.

Ô plus beau des pays, lorsque les espaces se rétrécissent pour ses habitants, lorsque le pays devient une boîte aux lettres, un pont pour les opportunistes, ou un théâtre pour des spectacles familiers et ennuyeux, avec des voix discordantes et des visages qui ne cache pas le maquillage leur laideur et leur hypocrisie !

Parce que tu es la patrie, et parce que je t’appartiens seul sans associé, j’ai préparé mes bagages, j’ai mis les vêtements d’enfance que tu m’as achetée, j’ai mis les mêmes chaussures à rayures, j’ai mis le même chapeau, j’ai mis la montre en nylon à mon poignet, je n’ai pas oublié le pistolet en plastique ni les lunettes de soleil noires élégantes, ni les pièces de monnaie en métal, ni l’eau de Cologne parfumées, et je suis venu vers toi !.

À distance et de près, j’ai entendu ta voix m’appeler pendant que j’étais occupé à jouer, m’invitant à manger parfois, ou elle m’ordonne d’aller à la boutique d’autres fois, et quand j’annonce mon objection, tu me submerges avec un flot de tes beaux jurons et de tes menaces encore plus belles, mêlées de colère qui m’est chère !..

Tu m’as manqué, tous tes détails m’ont manqué, ton étreinte m’as manqué, l’amour qui jaillit de ton cœur, la tristesse ancrée dans tes yeux, toucher de tes mains, ton café sucré, ta douce sieste sur ton matelas préféré, ton agitation, ta colère, ta révolte contre toutes les saletés humaines qui nous ont gouvernés et tué notre joie, assassiné nos rêves, elles ont combattu par nos jeunes en les armant et en offrant des livres et des stylos à leurs enfants, elles ont élevé leurs trônes sur les crânes des pauvres et elles nous ont éloigné de la patrie vers des contrées lointaines, ô ma mère !..

Salut à votre tombe que je désire frotter mon visage avec la pureté de son marbre, paix à votre âme qui plane aujourd’hui au-dessus de mon cœur meurtri et de mon esprit brisé et fatigué, paix à vos yeux que le temps n’ose pas assassiner l’étincelle de vie en eux ou éteindre le soleil qui réside en leur silence !..

Que la paix à toi, ma chère mère, tu as montré une grande patience face à la malédiction du destin qui nous fait traverser des moments sombres emplis d’ignorance, de peur, d’injustice et de mort.

Cheikh Mohamad Assad Kanso