SILENCE
SILENCE
Il est des arts sans parole, sortis de la pierre ou du pinceau, du crayon ou du bois. Ils sont sans texte. Ils couvrent les tombeaux et les grottes, ils ornent parcs et jardins. Ces arts appellent la parole sur eux, comme extérieure. Le silence leur est intime.
Les mots, eux, parlent. Le poème parle. Il appelle l’interprétation. Et plus il est ancien, plus il demande explication, mise en situation et travail d’exégèse.
Mais il est d’abord parole intérieure, méditation silencieuse.
Ce qu’on ne peut dire est « ineffable » : c’est l’un des noms de Dieu, le nom qu’on ne peut prononcer. Le poète est habité par l’ineffable et trouve les moyens d’en parler. Cette rencontre avec l’essentiel lui confère ce rôle prophétique qu’on attribue aux grands poètes.
L’humble silence est la brèche par où le texte entre dans l’histoire humaine. Désormais la parole est libérée et recouvre de son épais manteau le silence fécond. Le livre ne contient aucune vérité définitive, il disparaît sous la recherche du sens.
Au matin rose de la pensée libre, le silence est là avant le réveil du fracas du monde. Cet instant dense et suspendu est celui où le poème sort de l’ineffable.